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Entrepreneur individuel

Le nouveau statut de l'entrepreneur individuel à l'épreuve de difficultés financières

À l’occasion d’une conférence animée par l’Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives, les professionnels du droit sont revenus sur le traitement des difficultés du nouveau statut de l'entrepreneur individuel.

Traitement des difficultés : les atouts du nouveau statut de l'entrepreneur individuel

La répartition des patrimoines de l'entrepreneur individuel

Lors d'une conférence du 31 janvier 2022 animée par l’Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives relative aux perspectives de sortie de crises des entreprises en difficulté, les professionnels du droit ont débattu des atouts du nouveau statut de l'entrepreneur individuel (EI) du point de vue du traitement des difficultés tels que présentés dans le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante (devenu depuis la loi 2022-172 du 14 février 2022).

Dans ce nouveau statut, les entrepreneurs individuels sont automatiquement, sans qu'aucune déclaration ne soit nécessaire, titulaires de 2 patrimoines :

-un patrimoine professionnel, constitué des biens, droits, obligations et sûretés, utiles à l’activité professionnel indépendante ;

-un patrimoine personnel, constitué des éléments du patrimoine non compris dans le patrimoine professionnel.

L'ensemble du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel est ainsi insaisissable par ses créanciers professionnels.

Par exception, un 3e patrimoine peut en outre être créé en cas de liquidation judiciaire afin de permettre à l'entrepreneur d'exercer une activité professionnelle distincte hors procédure et ainsi de rebondir plus facilement (c. com. art. L. 681-2, VII nouveau).

Autre intérêt non négligeable cette fois-ci pour les créanciers professionnels : le nouveau patrimoine professionnel comprend tous les biens utiles à son activité professionnelle (c. com. art. L. 526-22 nouveau). Pour rappel, dans le statut de l'EIRL, seuls les biens strictement affectés à l'activité sont compris dans le patrimoine professionnel.

Une meilleure coordination dans le traitement des difficultés

Le nouveau statut permet, par ailleurs, une meilleure coordination du traitement des difficultés de l'EI. En effet, le tribunal (de commerce ou judiciaire selon l’activité exercée) devient le pilote des procédures de traitement des difficultés de l'EI. Seul ce tribunal peut être saisi en cas de difficultés, quel que soit le patrimoine impacté. Une fois saisi, 3 situations sont alors envisageables (c. com. art. L. 681-1 à L. 682-3 nouveaux) :

-lorsque seul le patrimoine professionnel est en cause, le tribunal apprécie les conditions d'ouverture d'une procédure prévue par le code de commerce (conciliation, redressement judiciaire, ...) ;

-lorsque seul le patrimoine personnel est en cause, l’affaire est renvoyée par le tribunal devant la commission de traitement du surendettement ;

-lorsque les difficultés impactent les 2 patrimoines, le tribunal est compétent s'agissant du patrimoine professionnel. Il doit, par ailleurs, saisir la commission de traitement du surendettement en ce qui concerne le patrimoine personnel.

À noter. Cette troisième hypothèse s'applique seulement si l'entrepreneur respecte bien la séparation de ses patrimoines. Dans le cas contraire (en cas de confusion de patrimoines), le tribunal est seul compétent et les procédures collectives du code de commerce s'appliquent (dans le respect de la séparation des gages).

Les questions en suspens

Des questions restent en suspens sur l'efficacité de la protection conférée par le nouveau statut. En effet, il apparaît, en pratique, très difficile pour un EI soumis au nouveau statut de respecter la stricte séparation des patrimoines. Les intervenants à la conférence ont notamment soulevé les interrogations suivantes :

❶ La protection du patrimoine personnel en cas de faute de gestion dans le cadre de la faillite du patrimoine professionnel : dans le nouveau statut de l'EI, le tribunal peut, lorsque une liquidation judiciaire est prononcée à l’égard de l'entrepreneur, imputer tout ou partie de l’insuffisance d’actif sur son patrimoine personnel (c. com. art. L. 651-2 modifié). Dès lors, les intervenants se questionnent sur le sort de sa résidence principale (qui est, en principe, insaisissable depuis la loi 2015-990 du 6 août 2015) et d'éventuelles déclarations notariées d'insaisissabilité.

La faculté de renoncer à la séparation des patrimoines : Certains intervenants à la conférence craignent de nombreuses demandes de renonciation du bénéfice de la séparation des patrimoines au profit des banques et la création de sûretés conventionnelles sur le patrimoine personnel de l'EI. En outre, rien n'interdit aux créanciers de l'EI soumis au nouveau statut de demander la garantie de son conjoint pour passer outre les protections légales des patrimoines de l'entrepreneur.

Les limites de l'interdiction de l'auto-garantie : le nouveau statut interdit à l'EI d’engager un de ses patrimoines pour protéger une dette de l’autre. Mais le nouveau statut lui permet aussi de renoncer à la limitation du gage de ses créanciers professionnels au seul patrimoine professionnel. Quelle est alors la différence, en pratique, avec une auto-garantie ?

Pour les intervenants à la conférence, l'équilibre cherché entre l'efficacité des sûretés et la protection de l’entrepreneur paraît ainsi encore fragile.

IFPPC, 17e entretiens de la sauvegarde - Quelle sortie de crise ? - 31.01.2022