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Recouvrement des créances

Les relances trompeuses des agences de recouvrement peuvent les conduire en correctionnel

Les agences de recouvrement peuvent être lourdement sanctionnées par le tribunal correctionnel si elles réclament aux débiteurs le paiement de frais de mise en demeure.

Frais réclamés par une agence de recouvrement

Une agence de recouvrement réclame aux débiteurs, en plus de la créance elle-même, le paiement de frais supplémentaires. Pour arriver à ses fins, elle adresse aux débiteurs des mises en demeure, rédigées sur un ton comminatoire. Elle y ajoute des citations de textes législatifs ou réglementaires afin de faire croire au bien fondé de ses mises en demeure.

En réalité, ces mises en demeure sont tout à fait irrégulières. En effet, les frais de recouvrement doivent obligatoirement rester à la charge du créancier, dès lors que celui-ci ne détient pas une condamnation judiciaire de son débiteur (c. proc. civ. exéc. art. L. 111-8, al. 2).

Plainte pénale contre l'agence et son dirigeant

Des relaxes...

Suite à plusieurs plaintes de débiteurs, la société de recouvrement ainsi que son président sont poursuivis devant le tribunal correctionnel. Il leur est reproché d’avoir commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations fausses, ou de nature à induire en erreur, quant au montant total de la somme à recouvrer (c. consom. art. L. 121-2, 2°).

Le président risque un emprisonnement de 2 ans et une amende de 300 000 € ; l'agence risque, quant à elle, une amende de 1,5 M€ (c. consom. art. L. 132-3).

Le tribunal correctionnel puis la cour d’appel retiennent que l’agence de recouvrement n’a pas d’activité commerciale vis-à-vis des débiteurs puisqu’elle ne leur fournit aucune prestation de service. Dans ces conditions, ni elle ni son président ne peuvent avoir commis une pratique commerciale trompeuse vis-à-vis des débiteurs. Ils sont tous deux relaxés.

... censurées par la Cour de cassation

Les relaxes de l'agence et de son dirigeant sont censurées par la Cour de cassation.

Pour la Cour de cassation, la notion de pratique commerciale s’applique à toute mesure prise en relation non seulement avec la conclusion d’un contrat, mais aussi avec son exécution.

Les mesures prises en vue d’obtenir le paiement d’un contrat sont donc des pratiques commerciales. Si elles sont trompeuses, elles peuvent conduire à des sanctions pénales. La Cour de cassation souligne qu'elle ne fait ici que suivre la jurisprudence de Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 20 juillet 2017, aff. C-357/16).

Les agences de recouvrement désormais visées par le code

Depuis le début de l'affaire relatée ci-dessus, une loi du 17 mars 2014 est intervenue pour sanctionner de façon spécifique les pratiques agressives des agences de recouvrement.

Désormais, l'article L. 121-21 du code de la consommation interdit expressément à un professionnel de réclamer à un consommateur des frais de recouvrement dans des conditions contraires au 2e alinéa de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Et l'article L. 132-23 du code de la consommation prévoit que la violation de cette interdiction peut conduire à un emprisonnement de 2 ans et à une amende de 300 000 € (jusqu'à 1,5 M€ si les poursuites sont dirigées contre une personne morale).

Le montant de l'amende peut encore être augmenté : il peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les 3 derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits.

A bon entendeur ...

Cass. crim. 19 mars 2019, n° 17-87534

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